Initialement publié dans le numéro 250 du magazine Programmez!. Je reviens sur mon parcours de reconversion : de la Création audiovisuelle à la Tech.

Romy est consultante en développement Web chez Codeworks. Membre active de Ladies of Code et Duchess France, elle y accompagne de jeunes dev en tant que marraine. Sur des sujets comme le Craft, la préparation d'entretien technique ou encore la négociation. Depuis mars 2021, elle anime le hands-on sur le TDD, chez les Ladies of code. Guidée par sa passion et sa curiosité, elle partage ses apprentissages et découvertes avec d’autres curieuses et curieux au travers de coding dojos, meetups et autres conférences. Elle donne des talks comme “Et si on (re)découvrait le TDD ensemble ?” au Akwaaba Fest. Dès qu’elle a du temps libre, elle joue du piano et encourage ses enfants à exprimer leur créativité. @Goumies

Il me tient à cœur de partager mon retour d’expérience de la reconversion professionnelle au métier de Développeuse Web. Nous sommes de plus en plus nombreuses à avoir un parcours ou profil dit “atypique”. En terminale, j’ai découvert les algorithmes et Alg’exec. Pour moi, c’était magnifique d’analyser un problème et de faire exécuter mon algorithme par un ordinateur. Avec deux parents ingénieurs en Informatique et un bac spécialisé en Informatique et Gestion, j’ai longtemps cru que l’Informatique ce n’était pas pour moi. Peur de m’ennuyer, peur que ce soit trop sérieux. J’ai toujours aimé concrétiser mes idées via l’outil informatique (Creative Suite, 3ds max…) mais pendant longtemps, je refusais de m’orienter vers le code et l’informatique en général. J’ai presque 10 ans d’expérience en tant que Créative dans l’audiovisuel et la Communication. J’ai été Cheffe de Projet multimédia. Mais ça, ce n’était vraiment pas pour moi.

Tout a commencé avec le Web

Je savais que j’avais déjà un attrait pour le code quand je posais des questions à mes parents pendant qu’ils travaillaient. Je m’intéressais déjà au Web, à l’époque. Au cours de mon cursus d’infographiste 3d / Graphiste, le besoin de présenter mon travail en ligne m’a poussée à m’intéresser d’abord à l’ActionScript. Plus tard, à l’HTML5 et au CSS3. Je voulais créer mon propre site en partant d’une feuille blanche. Je gardais un souvenir marquant de mon père qui développait des sites qu’il visitait avec Netscape. Et ça, sur son temps libre, par plaisir.

En 2011, j’ai repris le chemin de l’école pour obtenir un Master 1 en Gestion de projet et Marketing interactif. Deux intervenants ont tout de suite retenu mon attention. Ils avaient un profil que je découvrais, celui de Creative Technologist. Sortie d’un cursus en Jeu Vidéo Animation, sans valider le diplôme, j’avais des compétences en création numérique. La liberté de créer de toutes pièces un projet de l’idée à la livraison a vraiment décuplé mon envie de coder. Merci à Vincent et Arnaud, mes profs de Sup’Career !

Je ne comprenais pas l’enthousiasme d’Arnaud, Directeur Technique et Développeur, devant mes compétences techniques et mon profil créatif. C’est avec beaucoup d’intérêt que je découvrais, grâce à lui, l’existence du HTML5 et du CSS3. J’ai approfondi mes connaissances des technologies standard du Web grâce aux MOOCs (Massive Open Online Course).

Le courage de se lancer

Réellement se lancer dans une reconversion demande beaucoup de courage. D’acceptation de se mettre volontairement dans une position vulnérable. Les difficultés que je vivais, en tant que Créative professionnelle : peu ou pas d’entretiens d’embauche ; quand je trouvais une mission en freelance, il fallait relancer et insister pour être payée ; les prospects négociaient toujours plus à la baisse…

L’absence de stimulation ou motivation due à des projets qui n’étaient plus qu’alimentaires et mon incapacité à dessiner plus pour progresser et créer mon style, tout ça m’a secouée. J’ai dû faire preuve de résilience.

C’est bien plus tard, en 2017-2018, que j’ai concrétisé tout ça avec mon titre professionnel de Conceptrice Développeuse Informatique. En tant que demandeuse d’emploi, j’ai pu m’inscrire via Pôle Emploi. Il a fallu beaucoup insister pour ne serait-ce que m’inscrire à la session de recrutement qui m’intéressait. Il y a des places réservées aux demandeurs d’emploi. Le Conseil Régional finance la formation et rémunère les stagiaires de la formation professionnelle. Pour mettre toutes mes chances de mon côté, je reprenais le contenu de la formation et les exercices pratiqués dans la journée, à la bibliothèque de Beaubourg (parce qu’elle ferme tard). Je le faisais uniquement parce que j’avais décidé que cette formation à l’AFPA serait la dernière que je m’autoriserais. J’étais renforcée par le soutien de ma famille.

Avant d’intégrer ma formation, j’étais mère au foyer depuis 2014. J’avais pu travailler sur de rares missions en freelance en maquettage Web essentiellement.

On s’accroche

Cette formation a été un véritable chamboulement. Neuf mois très intenses ! Les changements impliqués étaient surtout d’ordre logistique et organisationnel. Avec deux enfants en bas âge, il a fallu courir et prendre du temps pour assimiler beaucoup d’informations. Je travaillais le soir dans les bibliothèques ou les pubs et autres quand je finissais vraiment tard. C’était difficile mais ça valait le coup. Comme il m’était impossible de travailler à la maison avec les enfants, je maximisais mes soirées studieuses et mes journées au centre de formation.

Au niveau du contenu de la formation, quand j’avais du mal à comprendre, je pouvais faire appel à ma mère et un de mes oncles pour m’expliquer les concepts clés. Le suivi individualisé des formateurs a aussi été d’une grande aide.

Ce qui m’a aussi boostée, c’est le travail en équipe pendant les 4 projets “fil rouge”. 6 semaines, 1 cahier des charges, 4 développeurs et 3 formateurs pour répondre aux questions Métier.

En plus de ça, j’ai rencontré un groupe de personnes motivées, intéressantes, drôles et encourageantes. Notre groupe “Feng Shui“, avec notamment, Samira, une autre jeune mère. Nous nous sommes accrochées et avons validé notre titre professionnel. 

En tant que femmes, jeunes mères de filles et 2 seules femmes à avoir tenu jusqu’au bout, il était important de réussir.

Re-bienvenue dans le monde du travail

Une fois mon titre professionnel obtenu, j’ai choisi de travailler dans les ESN (Entreprise de Services du Numérique). Ce choix était motivé par la volonté de travailler dans une variété de contextes et projets.

Le plaisir d’apprendre

Avec mon passage par l’AFPA, j’ai appris à apprendre. Chose capitale dans notre métier. Les technos évoluent vite. Les fondamentaux restent. Aussi, il arrive souvent qu’il faille désapprendre pour réapprendre. Je me rappelle, notamment, quand j’ai dû passer d’Angular.js à Angular 6. Il s’agit d’un tout autre paradigme. Au-delà d’être opérationnelle, je me suis attelée à me former sur les concepts de base du framework. Dans le cabinet de consulting que je venais de rejoindre, l’expert Javascript m’avait donné des pistes de réflexion. « On est pas à l’école ici ! » : ce sont les mots de mon employeur qui m’ont confirmé le fait que, pour progresser, je devais partir.

L’amélioration continue : gage de progression

Dans le processus d’amélioration continue, je trouve le même plaisir qu’au déchiffrage d’un nouveau morceau de piano. Ou encore la redécouverte d’un morceau joué par cœur, à la reprise, à l’âge adulte, de cet instrument que j’affectionne. C’est une affaire de méthode. Pour un nouveau morceau, je lis la partition, main droite, puis main gauche. Je repère les positions des doigts indiquées. Ensuite je répète une séquence en boucle, main droite puis main gauche. Une fois que le jeu est fluide, je joue la séquence avec les deux mains. À mesure que j’avance dans l’assimilation du morceau, je peux y ajouter l’interprétation.

À l’arrivée en mission client, la prise en main du projet suit plusieurs phases :

  • La préparation de l’entrée en régie consiste à reprendre mes notes rédigées pendant l’entretien. Lire un article ou deux pertinent(s) dans le contexte que je vais rejoindre. Par exemple, sur le Typescript avancé.
  • Le premier mois, c’est beaucoup d’observation et de pair-programming. Je suis opérationnelle sur de “petites fonctionnalités”.
  • Dès le mois suivant, je suis autonome sur des sujets plus importants.
  • Pour suggérer des améliorations structurantes, je vais faire un POC (Proof Of Concept). C’est un projet isolé qui va venir illustrer la techno, la méthodologie que j’aimerais apporter au projet. C’est une bonne base pour échanger avec le reste de l’équipe.
  • En fonction des besoins, je monte en compétence sur des sujets spécifiques. Grâce à des plateformes comme Pluralsight, solution choisie au sein de CodeWorks. Autrement, je peux aussi faire appel aux communautés CodeWorks. Tout comme je peux partager ma problématique avec les participants des coding dojos et autres forums ouverts auxquels je participe.

Elle parmi ils

En tant que profil reconverti, sachez que vous rencontrerez parfois des personnes, au mieux sceptiques, au pire défiantes ou méprisantes. Si cette personne vous malmène en entretien technique, qu’est-ce qu’il en sera, une fois en poste et surtout en période d’essai ? Mon expérience de ce genre de rencontres m’a appris à savoir refuser de rejoindre une entreprise ou accepter l’échec de l’entretien pour un meilleur environnement. La période d’essai, que vous soyez reconverti.e ou non, est un essai pour les deux parties. L’entreprise a besoin de votre travail, au même titre que vous avez besoin de travailler.

Mentalement, moralement, ça a été dur. Une fois qu’on rejoint un contexte professionnel sain, on prend alors conscience qu’on a trouvé sa place. Et là, on apprécie tout le chemin parcouru, les difficultés surmontées.

Comment trouver sa place dans des équipes entièrement masculines ? Là où il était monnaie courante de me couper la parole, en réunion, ou d’accepter mes propositions quand elles étaient reformulées par un collègue, j’ai bien choisi ma mission actuelle à la Société Générale. Cette fois, notre équipe fonctionne dans l’échange. Je me suis intégrée grâce à ma curiosité naturelle. En entretien déjà, le courant passait très bien et on s’est mutuellement appris des choses, au sujet de TypeScript. Le pair-programming systématique avec chaque membre de l’équipe, pendant mon onboarding, a beaucoup contribué à cette intégration. C’est typiquement le genre de pratiques sur lesquelles je pose des questions en entretien de mission. Quand elles sont en place et abordées par la positive, c’est un bon indicateur d’ouverture d’esprit.

Il est temps de bouger : mon expérience et mon instinct en guise de boussole. Avec le temps, j’ai compris que je devais me fier beaucoup plus à mon instinct. Je fais le point pour m’assurer que je suis bien là où je veux être. Si la liste des compromis est plus longue que celle des points positifs, il est temps de partir pour de meilleures aventures, toujours dans un risque calculé.

La reconversion, cet outil d’autonomisation

À l’heure où j’écris cet article, je suis consultante chez CodeWorks (https://www.codeworks.fr). Ce matin même, je suis à nouveau intervenue au sein du programme Horizon Numérique de Social Builder (https://socialbuilder.org/). Dans une présentation plus détaillée que ci-dessus, je partage mon parcours de reconversion avec un public de demandeuses d’emploi. Il existe de nombreuses initiatives du même genre, notamment L’Digital  (https://www.ldigital.org) qui propose un accompagnement dans les métiers du numérique, des ateliers en milieu scolaire.

Participer à des meetups et conférences autour du Craft m’a permis de rencontrer des personnes passionnées, ouvertes d’esprit. Celui que je considère comme mon mentor m’a présenté à ma marraine chez les Duchess. Merci à vous, Pauline et Yvan. Vous avez joué un rôle déterminant dans le succès de ma reconversion ! Vu la charge de travail et le temps que demandent ce genre de projet, il est important de s’entourer de positivité. Ma formation à l’AFPA n’aurait pas été la même sans les “FengShui”. Notre groupe s’est accroché et soutenu pour aller jusqu’au bout et obtenir le titre.

Partage et transmission : tous gagnants

Dans le partage et la transmission de savoir, les deux parties apprennent. Comme dit Kyle Simpson : “Si vous attendez de “maîtriser” une compétence, avant de partager ce que vous avez appris avec les autres (blogs, vidéos, talks…), vous avez attendu trop longtemps. Et le reste d’entre nous passons à côté du plus important : votre parcours d’apprentissage”. C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai participé à des coding dojos et autres sessions de katas. La Global Day Code Retreat fait partie de ces événements récurrents où on peut apprendre beaucoup, dans une ambiance ludique.

Mentorer des devs ou aspirantes devs me permet de prendre du recul sur ces 4 dernières années. Chacune d’elles, forte de sa détermination et sa passion, m’apprend aussi en retour. Claire vient de finir son alternance dans une startup au produit intéressant. Elle m’a fait découvrir React Admin, un framework dédié au développement de back office. Ou encore TypeORM, un ORM orienté ESNext (ES6 et plus) et Typescript.

J’ai moi aussi fait appel à des mentores. Aude m’a permis de m’entraîner à l’Event-sourcing et au CQRS en javascript.

Animer le hands-on TDD m’apporte aussi beaucoup. Je redécouvre des katas classiques, sous un nouveau jour, avec des approches et solutions originales. L’enthousiasme des participantes, qui souvent découvrent le TDD, en plus du mob-programming, me permet d’améliorer le hands-on, à chaque édition. Merci à Hadrien et Thomas, les organisateurs du Mob programming Paris, pour leurs conseils et ressources.

Le temps dédié à la veille est non négociable

Comme dit plus haut, les technologies évoluent vite. Pour rester à jour et assurer son employabilité, la veille technologique est indispensable. Que l’on soit salarié chez un client final ou prestataire. C’est pourquoi le temps dédié à la veille est, pour moi, non négociable. Nous avons tous et toutes les mêmes 24 heures. Pouvoir mener une veille technologique sur son temps de travail est un vrai plus pour l’entreprise.

Je demande systématiquement, en entretien, si un temps collectif est dédié à la veille. Dans les entreprises ou missions que je veux rejoindre, il y a soit une journée mensuelle ou une après-midi hebdomadaire. Et ce parfois en plus de guildes (front, back, cloud, Craft). Chez Fnac Darty, des Communities Of Practice s’organisaient, en toute autonomie. À l’époque où j’y étais en mission, il y avait même un projet de club de lecture. C’est typiquement le genre d’environnement où j’ai pu partager des connaissances et retours d’expériences avec des devs actifs et enthousiastes.

Parlons salaire : le silence profite aux employeurs

Bien que le salaire reste encore tabou, parler salaire avec mes collègues a été révélateur, à chaque fois. Que ce soit avec ma copine Samira, membre des FengShui qui m’a mise en garde, avant la sortie de l’AFPA, sur un seuil minimal à partir duquel elle estimait qu’une offre était acceptable pour mon profil et mon parcours. Ou avec mes camarades des KataCombe, promo la plus expérimentée de la Combe Du Lion Vert (https://la-combe-du-lion-vert.fr). Ou encore avec l’un de mes collègues de mission, lui aussi passé par une reconversion. Encore une fois, il s’agit d’échanger avec des personnes de confiance. Ça vous permettra de négocier en connaissance de cause, sans mettre qui que ce soit en porte-à-faux, bien évidemment. Après, certaines entreprises sont transparentes avec leur grille de salaires et augmentations.

Mes conseils

À toutes personnes en reconversion ou qui aimeraient se lancer :
- partez de ce que vous, vous voulez, de vos compétences. De l’effort que vous êtes prêt.e à fournir, tout en prenant soin de vous, pour pouvoir durer.
- renseignez-vous un maximum.
- rencontrez des professionnels, dans le cadre de meetups, conférences ou encore via LinkedIn. Et posez-leur des questions.
- à la sortie de formation, nombreux sont ceux qui ont du mal à trouver leur premier emploi. Nombreux sont ceux qui finissent par abandonner. Même face au manque de temps et aux refus, persévérez pour vous faire l’expérience qui sera la vôtre. Gardez votre objectif principal en tête. Croyez en vous, vos capacités et votre aptitude à rebondir. Rappelez-vous que vous venez de valider votre parcours de reconversion. Un seul “oui” suffit.
- la technique tient une place importante. Mais elle ne fait pas tout. Votre créativité et toutes vos expériences passées vous permettront d’apporter un regard neuf.
- construisez-vous de solides fondamentaux avec les concepts de base. Et pratiquez. Les coding dojos et autres Global Code Day Retreat sont très bons pour ça.
- la curiosité est un atout majeur. Gardez toujours un état d’esprit d’étudiant.e. Il y a toujours quelque chose à découvrir / apprendre / approfondir.
- le meilleur pour la fin : entourez-vous de personnes qui partagent les mêmes passions et valeurs que vous. Éloignez-vous de la négativité, préservez votre énergie et votre temps.

Romy Alula

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